« L’  histoire » n’  a rien d’  un récit linéaire. L’  unité est assurée par la thématique. Entre le prologue, où le lecteur fait connaissance avec un peintre raté errant par les rues de Vienne, et l’  épilogue, à la fois apaisé et inquiétant, il y a les camps, mais pas seulement. Karel Novotný, employé de banque aisé, interné par erreur, constitue le fil directeur. Mais il n’est pas ce que l’ on appelle un personnage central, car dans ce carrousel, chacun, à un moment ou à un autre, se trouve dans le faisceau de lumière projeté par Peroutka sur les situations.

Le rythme est nerveux, la caméra bouge tout le temps, d’ un lieu à l’ autre, d’  une personne à l’ autre, offrant une vision à la fois kaléidoscopique et panoramique. Peroutka, journaliste expérimenté, livre des faits. Malgré l’ apparente sécheresse de ton, le refus de tout pathos, la volonté de distance et de neutralité, une grande émotion se dégage du récit. Comme jouant avec un élastique, Peroutka tire et relâche la tension. Ces hommes et ces femmes ne sont pas des héros, ou alors malgré eux, sans le savoir. Ils sont simplement des humains, ils traversent la vie, ridicules, admirables, répugnants, tragiques, et l’ensemble, mine de rien, est bouleversant. C’ est la grande histoire arrachée au plus profond de la vie telle qu’  elle fut, telle qu’ elle est, cristallisée là dans le microcosme des camps.

Ferdinand Peroutka aborde, avec Le Nuage et la valse, des thèmes rarement abordés dans la littérature concentrationnaire de la Seconde Guerre mondiale, que sont le cannibalisme et la prostitution.